visage écorché. manteau humide. chaussures manquantes. ancienne fumeuse. une amante prudente qui avait fini par être rattrapée.

Mais par qui ?
C'était la question qu'ils s'évertuaient à vouloir répondre depuis des semaines, en vain. Ils étaient bien loin de chez eux, loin du pays de sa Majesté. Les Etats-Unis avaient fini par venir réclamer l'aide du prodigieux Sherlock Holmes, à l'aide d'un contact que possédait son frère, à force de jours passés sans réponse et des victimes qui se succédaient face à leur impuissance écrasante. Sherlock, fidèle à lui-même, avait affiché un air nonchalant, affirmant qu'il ne pouvait qu'y arriver, bien-sûr. S'il suffisait de ça pour arracher ce sourire suffisant sur le visage de son très cher frère.

Alors ils en étaient arrivés-là, quelques jours plus tard, à se tenir en un cercle qui se taisait d'un silence religieux autour du détective accroupi près de la victime qu'il examinait d'un œil acéré, derrière sa loupe de poche. Les informations se dévoilaient avec une logique imparable sous son regard de maître, mais rien ne le portait vers une quelconque piste, ce qui avait bien le don de l'ennuyer. Elle s'était effondrée après avoir reçu une balle directement dans le lobe pariétal, et le verre qui avait éclaté depuis la fenêtre ne laissait que la vérité dans son sillon ; quelqu'un avait tiré depuis la rue d'en face. Mais ils n'avaient toujours aucune piste du qui.
Le nez dressé dans la direction du tir, le grand bouclé referma sa loupe qu'il rangea brusquement dans la manche de son manteau noir. Son regard azuré ne se détachait pas de la fenêtre d'en face, comme s'il craignait de louper quelque chose de crucial.

« Qu'est-ce que tu en penses, John ?, demanda-t-il en se relevant pour examiner de plus près cette fenêtre perforée. L'avis de l'ancien médecin de guerre suffisait parfois à lui faire mettre la main sur ce détail qui manquait. D'autre fois, c'était simplement pour le distraire.
- Uhm... C'est une jeune femme, la trentaine, tenta le vétéran avant de s'éclaircir la voix. Peut-être tout juste âgée de la quarantaine. Elle est bien habillée, alors elle n'aurait pas abandonné ses chaussures sans raison. Et, euh...
- Tu n'observes pas, là, le réprimanda Sherlock en se retournant vivement vers son ami.
- Son expression laisse supposer qu'elle était choquée, elle ne s'attendait pas à mourir ce soir. Ils étaient deux ; quelqu'un ici, qui a dû fuir avec ses chaussures - peut-être valaient-elles une petite fortune - et un second, notre tireur. »

John chercha le regard du détective, comme pour savoir s'il avait mis le doigt sur la vérité. A en observer son air satisfait, ce n'était pas le cas. Il soupira, alors que Sherlock bondit d'un endroit à l'autre pour illustrer sa parole, à l'image d'un danseur sur scène, aussi léger qu'une plume. Avec une hyperactivité dévorante en plus.

« Tu as raison sur un point.
- Lequel ?
- Elle ne s'attendait pas à mourir ce soir-là, comme personne d'autre d'ailleurs. Elle n'est pas arrivée ici par hasard. Elle fuyait. Elle fuyait qui ? Un amant curieux, son mari jaloux, quelqu'un d'extérieur qui cherchait à se débarrasser d'un pion trop renseigné, peu importe. Elle a perdu ses talons dans sa course ; as-tu déjà essayé de courir avec des chaussures pareilles aux pieds ? Elle tenait à la vie, elle s'est débarrassée de sa paire malgré leur valeur évidente pour courir et mettre toutes les chances de son côté. Le tueur aurait eu tellement d'autres choses à lui voler, pourtant il ne manque rien, seulement ces talons, il adressa un geste vif de la main à quelques agents de police ; fouillez les rues adjacentes, une paire de chaussures doit se cacher quelque part dans le quartier. Donc, elle est arrivée ici. Comment ? Comme nous l'avons fait, en poussant une porte branlante. Elle est montée, elle se pensait en sécurité, ou du moins elle s'attendait à affronter son poursuivant. Mais, stupeur, personne ! Personne ne vient, elle pense être sauvée ce soir. Et BAM. Le tir part quand elle s'y attend le moins, la percute, elle est sous le choc et tombe raide. Morte sur le coup. »

Son monologue ne dura que quelques pauvres secondes tant son flux de parole était vif, accueillant le regard mi-admiratif mi-dubitatif de son assistant et des coups d'œil échangés entre les agents de la police locale qui ne s'étaient pas encore décidés à bouger sous les ordres du britannique. C'est à dire qu'ils n'étaient pas vraiment bien acclimatés au caractère de cet étrange personnage.
Sherlock, lui, n'avait pas plus de temps à perdre et, enjambant la morte, il glissa jusqu'à la porte par laquelle ils étaient rentrés, bousculant quelques hommes sur son passage pour descendre les escaliers quatre par quatre.

« Sherlock !, hurla John en se penchant par-dessus toutes ces marches.
- Je dois aller vérifier la pièce d'où provient le tir. J'en ai pour une minute. »

Il soupira mais, accoutumé au comportement de son ami, ne fit pas un commentaire de plus avant de retourner sur les lieux du crime, à la recherche d'un indice supplémentaire qui leur aurait échappé. Si des choses pouvaient bien échapper au génie du grand homme.
Tirant sur le col de son manteau devenu si caractéristique, le londonien retrouva l'extérieur, prenant le temps de se pencher sur son smartphone pour envoyer un texto moqueur à son aîné, un sourire fort imprimé au coin des lèvres, avant de s'élancer vers sa prochaine direction. "Une simple histoire de tromperie, tu n'avais vraiment rien de mieux ? SH.". Sa malice exécutée, il redressa la tête... et son sourire s'effaça en vitesse. Sourcils froncés, Sherlock regarda à sa droite, puis à sa gauche, mais peu importe. Il ne reconnaissait rien des bâtiments qui l'entouraient jusqu'alors, peu importe la direction vers laquelle il regardait. Pire encore, la maison qu'il souhaitait inspecter n'existait pas, n'existait plus. Etrange. Il ne se souvenait pas avoir avalé la moindre drogue ce jour-là, pourtant.

« John ? » appela-t-il en se retournant pour ouvrir la porte par laquelle il venait de débarquer... en vain.

Elle était verrouillée. Une seconde s'écoula, durant laquelle il passa par un air d'incompréhension, un soupçon de panique, et au moins mille questions. Peu importe s'il tenta de forcer sur la poignée de la porte, elle ne bougea pas d'un poil, accentuant sa frustration de ne pas comprendre ce qui le tourmentait présentement.

« John ! »

Sherlock se retourna, faisant face à cette ville qu'il ne connaissait pas, paralysé face à ce qui se passait sous ses yeux. Il était clean, pourtant. Il était parfaitement sûr de lui, voilà soixante-douze jours qu'il avait passé sans s'injecter le moindre acide dans les veines. Mauvais rêve, hallucination, folie ? Holmes ne comprenait pas. Et ce qu'il ne comprenait pas avait le don de lui faire ressentir la panique la plus pure qu'il pouvait connaître.
Son téléphone vibra, le tirant de ses songes. D'une main glissée dans sa poche, il sortit son précieux objet, déverrouillant l'écran pour y lire la notification qui s'y affichait;

Petit mot du staff - Le fameux Sherlock Holmes entre dans la bataille ! Un personnage haut en couleur, et en lisant son histoire, j'ai eu des vibes de L'Etude en Rose ! J'ai hâte de découvrir comment notre cher petit détective va s'habituer (ou non) à la vie presque paisible de Bridgton.

Bienvenue à Bridgton: - Te voilà officiellement habitant.e de Bridgton, félicitations. Pour faciliter au mieux ta découverte de la ville, voici quelques petites pistes des endroits incontournables où tu peux désormais passer faire un tour:
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